L’introduction du juge François Huot dans son jugement dans l’affaire Martin

R C MARTIN
Pénal: L’accusé reçoit une peine de détention de 14 ans sous les chefs de conduite dangereuse causant la mort et de conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite permise causant un accident occasionnant la mort.

L’introduction de l’horable juge François huot, j.c.s. fait réfléchir:
(…)
[1] Âgés tous deux de 27 ans, Vanessa Tremblay-Viger et Mathieu Perron respiraient le bonheur en ce début de soirée du 1er août 2015. Accompagnés de leur enfant Patrick, âgé d’à peine quatre printemps, ils circulaient paisiblement à bord de leur petite voiture de marque Honda Civic sur le rang St-Paul en direction nord, vers Chicoutimi.
[2] Ce bonheur ne leur avait pas été livré sur un plateau d’argent. Ce bonheur, ils l’avaient pleinement mérité par leur courage et leur détermination face aux multiples écueils que la vie leur avait jusqu’alors réservés.
[3] Déjà survivant, à l’âge de 19 ans, d’un cancer du rein, Mathieu avait dû lutter ensuite contre de sévères problèmes de colites ulcéreuses qui lui avaient laissé d’importantes séquelles physiques. Sa soif de vivre lui avait néanmoins permis de triompher de ce que l’oratorien Massillon qualifiait d’une « triste vicissitude de lumières et de ténèbres ». Bon vivant, il remontait fréquemment le moral de son entourage, travaillait comme arpenteur géomètre et s’impliquait activement dans l’arbitrage sportif.
[4] Bien qu’ayant été également malade pendant une grande partie de sa vie, Vanessa ne s’était jamais non plus laissé abattre par les épreuves. Soutien d’un père mourant, elle n’en avait pas moins poursuivi ses études pour finalement obtenir un diplôme d’infirmière auxiliaire. Elle venait d’ailleurs à peine de débuter un nouvel emploi en juillet 2015.
[5] Le petit Patrick avait également été rapidement confronté à la précarité de la vie humaine. Né après sept mois de grossesse, il s’était battu pour son existence pendant trois semaines à l’unité des soins intensifs et avait remporté sa bataille. Patrick était un petit garçon enjoué, farceur, toujours souriant.
[6] Comble de joie pour cette petite famille, Vanessa était, toujours en date du 1er août 2015, enceinte de neuf semaines. Patrick attendait avec impatience l’arrivée du nouveau-né et déclarait à qui voulait l’entendre qu’il aurait bientôt une petite sœur.
[7] Tout portait donc cette jeune famille à envisager l’avenir avec optimisme. Les événements allaient malheureusement leur donner tort.
[8] Alors que son conjoint s’apprêtait, au volant de leur véhicule, à amorcer la descente d’un léger coteau situé à proximité de la résidence sise au 3180 du Rang St-Paul, Vanessa mentionnait en riant à sa sœur Sabrina, avec qui elle discutait par téléphone cellulaire, jusqu’à quel point elle-même et Mathieu étaient heureux. Puis soudain, plus rien. Plus un son. Que le silence écrasant, froid et lugubre de la mort et des espoirs et rêves envolés.
[9] À 20 h 40, ce 1er août 2015, les sourires de Mathieu, Vanessa et Patrick s’effacèrent à jamais. Certains diront qu’ils avaient tous trois rendez-vous avec leur destin. Il est certainement plus juste d’affirmer qu’ils avaient plutôt rendez-vous avec la bêtise humaine.
[10] Ces trois personnes ont rendu l’âme parce qu’un de leur semblable a fait, ce même soir, un choix teinté d’égoïsme, un choix empreint d’une inqualifiable irresponsabilité. Mathieu Perron, Vanessa Tremblay-Viger et Patrick Perron sont décédés parce qu’un dénommé Yves Martin a librement et volontairement fait le choix de boire et prendre le volant.
[11] Comme tant d’autres avant elles, ces trois victimes ont été sacrifiées sur l’autel de l’ineptie érigé par tous ces conducteurs ivres qui prennent encore le volant, et ce, malgré les innombrables et récurrentes admonestations du pouvoir judiciaire, semant ainsi derrière eux la destruction et la mort.
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